Aujourd'hui quatre choses géniales s'étaient produites.

Premièrement, j'avais enfin pu prendre part à une mission. Démontrer que je n'étais pas une taupe de l'Empire était difficile, d'autant plus que jusqu'alors je n'avais pu me charger que de paperasse mineure. Comment faire mes preuves auprès de la République Rebelle dans une contexte pareil ?! Et lorsqu'une mission m'avait été proposée – rien d'exceptionnel, rassurez-vous – j'avais sauté sur l'occasion.

Cette mission consistait à récupérer un chargement de ressources élémentaires pour une des enclaves de la République – i.e. de l'eau, de le nourriture, etc. Mon rôle à moi était d'une part de relire et de vérifier la conformité du contrat – il fallait bien que quelqu'un s'y colle. D'autre part, on attendait de moi que serve de prête-nom pour quelques papiers. Finalement, mon passé au sénat pouvait toujours me servir.

Deuxièmement, j'avais enfin mis les pieds hors d'Ilum. C'était la République Rebelle que j'avais recherché ! Pas un caillou glacé où se terraient militaires et civils en ourdissant des plans et des hypothèses pour contrer l'Empire. Vous vous dites sûrement que j'avais été aveugle, et qu'espérer trouver là bas une solution toute faite pour rétablir l'ordre gouvernemental légitime était naïf. Et ma foi, vous toucheriez la corde sensible.

Je ne sais pas ce que j'espérais réellement trouver là bas. Une organisation forte ? Des actions quotidiennes ? Découvrir que la population attendait en secret que nous passions à l'action ? Je ne me suis retrouvée en fait qu'avec des hommes et des femmes de toutes races qui digéraient la rancœur, mais vivaient mal leur défaite. Ils étaient forts et motivés, prêts à tout sacrifier pour un idéal … Mais ils n'en restaient pas moins que des hommes et des femmes.

Troisièmement, comme je n'étais plus sur Ilum, j'allais pouvoir m'arranger pour contacter mes proches. La règle était la même pour tous : « tant que vous êtes dans ou proche d'une des enclaves secrètes de la République Rebelle, vous êtes soumis à une interdiction formelle d'émettre quoi que ce soit de non urgent sur des fréquences personnelles, même cryptée, même protégée par des moyens considérés comme sûrs. » C'était compréhensible. Question de sécurité. Pour autant, mes proches me manquaient, ma famille particulièrement : je n'avais tout simplement aucune nouvelle depuis … Depuis bientôt deux mois !

Cette interdiction s'étendait sur les mondes où la République Rebelle venait s'approvisionner. J'avais alors eu une idée pour contourner mon problème : utiliser un vaisseau tiers pour émettre mon message et faire en sorte que non seulement ma famille le reçoive, mais en plus faire en sorte que si jamais on essayait de me tracer, on arrive à un endroit où je n'avais jamais mis les pieds !

Le souci, c'est que quelque soit le capitaine de vaisseau à qui je confiais une telle tâche, outre le fait qu'il me demanderait à coup sûr un « dédommagement » pour la peine et le risque encouru – injustifié, mais les affaires sont les affaires –, oui mis à part ça, le problème était que je ne parvenais pas à faire assez confiance à la personne à qui je confiais ce message personnel pour être sûre qu'il allait bel et bien l'envoyer et non empocher l'argent et jeter mon unité de stockage de données à la poubelle.

C'est là qu'intervient le quatrième point génial de cette journée. Mon communicateur était réglé pour m'indiquer si j'avais besoin de relais pour joindre mes différents contacts. En effet, plus on a de relais, plus notre message traverse l'espace et a donc a de chances d'être intercepté et lu. Impossible donc d'utiliser ce « moyen de communication civil non sécurisé ».

Et qui était affiché sur mon ordinateur comme étant à une portée raisonnable de mon comlink ? Le seul contrebandier que je connaissais un peu : Cahir Quinn. La probabilité pour qu'il passe à une distance maximale de quelques systèmes de moi était vraiment faible. J'avais sûrement consommé toute ma chance pour le mois – que dis-je, pour l'année – à venir …

Nous avions travaillé ensemble le temps d'un voyage entre deux systèmes. Je recherchais la République Rebelle alors, et j'avais embarqué avec lui. Cela ne me permettait pas d'avoir, aujourd'hui, une confiance totale en lui ni même une connaissance approfondie de sa personne, mais j'allais clairement me tourner vers lui plutôt que vers qui que ce soit d'autre.

Malgré un passé dont il n'avait pas vraiment voulu parler, j'avais senti une certaine forme d'honnêteté de sa part – si rare dans le métier ! C'était également la première fois que je rencontrais un contrebandier qui ne soit pas un fou du volant.

Ce dont je me souvenais particulièrement, c'était qu'il parlait l'Ancien Corellien et qu'entendre cette langue m'avait fait un bien fou à l'époque. Un vieux proverbe corellien dit « Plus la galaxie est vaste, plus il est bon de rentrer chez soi ». Outre l'élan de nostalgie que j'avais ressenti, jamais ce proverbe ne m'avait semblé si vrai.

La fin de soirée approchait, j'avais fini de vérifier les papiers de livraison et fait un rapport à nos responsables. À côté de moi, un thé tiède m'attendait – il était resté trop longtemps sur le coin de mon bureau. J'en bus une gorgée, ramenais mes jambes en tailleur sur mon tabouret et connectais mon comlink.

D'un geste habile grâce à l'habitude, je sélectionnais mon contact, Cahir Quinn, et lançais l'appel sur son communicateur personnel.

J'attendais que le canal de communication soit ouvert et écoutais pour savoir si c'était lui qui décrocherait ou s'il avait un nouveau pilote. Je ne me souvenais pas l'avoir vu avec un équipage, mais si les affaires tournaient bien, pourquoi s'en priver ?