La jeune Mirialanne avait appris que son maître Zane était toujours portée disparue sur Coruscant, malgré les recherches menées conjointement par la garde du Sénat et les jedis. Elle-même y avait longuement participé, ouvrant tout ses sens à la Force, tentant d'y retrouver la signature de la jedi aveugle, mais rien n'y avait fait, ni elle ni personne d'autre n'en avait trouvé le moindre signe, comme si elle s'était volatilisée, ne laissant derrière elle pas plus de trace qu'une bulle de savon éclatée. La padawan à nouveau sans maître avait dû se résoudre à retourner au temple, pour y attendre, à nouveau, que le Conseil lui attribue un professeur. Elle avait erré dans les couloirs, troublée, et autour d'elle certains chuchotaient qu'elle n'apportait que la mort à qui acceptait de la prendre sous son aile. La jeune fille n'était pas très loin de les croire lorsqu'elle avait appris qu'elle deviendrait la protégée de l'un des membres du Conseil en personne, le Grand Maître Eleanor Yunstar. Elle avait alors hésité à fuir le temple, fuir son apprentissage jedi et renoncer à ses pouvoirs, redevenir simple fille du peuple, serveuse ou fermière. Elle ne voulait pas causer la perte d'une si grande femme. Mais elle savait aussi que, pour se faire, il lui faudrait aussi renoncer à la Force, et elle ne pouvait s'y résoudre. Elle n'avait que faire des pouvoirs spectaculaires ou offensifs, si appréciés des apprentis, et n'en avait d'ailleurs développé aucun, mais elle ne pouvait se résoudre à ne plus sentir la présence de milliards d'âme autours d'elle, pas plus qu'un oiseau ne peut se passer du ciel libre. Il survit sans, mais s'étiole et perd sa vivacité et sa grâce. Alors elle s'était résignée à vivre dans la crainte de faire tomber ce nouveau maître, décision qu'elle pensait, en son âme, du plus pur égoïste, mais elle ne pouvait en prendre d'autre. Elle s'était rendue au rendez-vous.

Du moins, elle en avait pris le chemin, mais la campagne naboo est vaste, et elle ne savait où précisément le Grand Maître l'attendrait. Elle s'ouvrit donc à son environnement, afin de le percevoir non par ses faibles sens individuels, mais par le biais de la Force constituant chaque chose. Elle put ainsi remonter le long de l'histoire de ce lieu, non pas de plusieurs années, mais seulement d'un court moment : le moment où Eleanor était sortie du temple pour se rendre à leur rendez-vous. Elle put ainsi voir la direction qu'empruntait la jedi. Revenant à l'instant présent, mais sans pour autant cesser de percevoir son environnement via la Force (elle ne cessait jamais tout à fait), elle se mit à son tour en marche à travers les plaines verdoyantes, le capuchon de sa tenue de padawan la protégeant des ardeurs du soleil. Alors que l'air doux pénétrait ses poumons, elle prit conscience d'à quel point elle avait eu tord de s'enfermer dans le temple sans plus quitter ses murs. Il lui semblait qu'un poids s'ôtait de ses épaules, un poids formé de sa culpabilité, de sa peur, de ses angoisses et de sa colère. Car maintenant, elle réalisait qu'elle éprouvait pour Sevrina un mélange d'inquiétude et de colère. La jedi les avait abandonnés face à un seigneur Sith avide de sang, forçant maître Smith à le combattre, tandis qu'elle-même devait protéger le sénateur Sprax seule, avec au ventre la peur que le Nautolan ne surpasse le jedi ou ne lui échappe et se lance à leur poursuite. Et pour cela, la Mirialanne en voulait à celle qui aurait dû la protéger et l'instruire, et qui n'en avait rien fait. Car c'était pour cela, finalement, qu'elle avait perdu son maître. Cette fois-ci, il n'était pas mort d'avoir voulu la mettre à l'abri de tout danger, bien au contraire.

La jeune fille stoppa brusquement sa marche en remarquant le tourbillon qui menaçait de l'engloutir, au point de l'avoir presque totalement séparée de la Force et enfermée dans son propre esprit. Et elle en eut peur, extrêmement peur. Elle prit donc quelques instants pour s'apaiser, s'immergeant dans la douceur du paysage environnant, le bleu pur du ciel, le vert intense de l'herbe grasse... Il lui fallut toutefois de longues minutes pour repousser toute cette colère. Et elle n'avait pas disparue, elle s'était simplement retirée. Mais son esprit était à nouveau calme lorsqu'elle se remit en route, aussi calme que possible malgré son appréhension. Enfin devant elle apparut la silhouette d'une femme paisiblement assise sur le sol, lui tournant le dos. Mais en l'entendant prononcer son nom, Kiam sut qu'il s'agissait bien de son nouveau guide sur la voie du Jedi, ce qui fut confirmé lorsqu'elle put voir son visage. Il s'agissait bien de la Grand Maître qu'elle avait déjà croisé lors de sa formation.

Elle s'inclina humblement devant la membre du Conseil et dut s'y reprendre à deux fois avant de pouvoir articuler une parole audible et intelligible.

"C'est un grand honneur, Grand Maître Yunstar."

Elle resta ainsi, inclinée, incapable d'esquisser le moindre geste ni de prononcer un mot supplémentaire, paralysée par l'appréhension.